Eco-culture, une autre manière de penser culture ?

Publié le par Jean-Luc Gbati Sonhaye

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Eco-culture, une autre manière de penser culture ?

 

Dans notre dernière publication (« Le développement culturel durable, utopie ou réalité ? »), nous proposions de prendre désormais en compte la culture comme le quatrième pilier du développement durable qui fonde l’Agenda 21 de la culture.

Ici nous allons nous attarder sur le nouveau phénomène qui est en cours dans la plupart de pays européens, ce qu’on pourrait appeler la nouveauté culturelle.

On parle fréquemment de développement culturel durable avec la prise en compte de l’environnement, de la défense de la nature ou encore de la gestion plus rationnelle des ressources limitées de notre planète.

Ainsi, l’actualité est à l’initiation et au développement d’éco-projets culturels ou des éco-manifestations. Et pour ce faire, beaucoup millions d’euro sont mis en jeu. Les partenaires en développement et autres pouvoirs publics n’hésitent pas à décaisser des fonds pour soutenir des actions culturelles écologiques. Du coup, plusieurs acteurs culturels se sont lancés dans la mise en œuvre des actions culturelles écologiques : éco-festivals, éco-tourisme, éco-concerts. Ce sont bien là des expressions qui nous reviennent très fréquemment.

Il y a de nos jours une forte fièvre autour de ce nouveau concept qui engage les dirigeants occidentaux. Des politiques aux économistes en passant par les religieux chacun est conscient qu’il faut changer de comportements. Se départir de ses vieilles habitudes ou chez les religieux, se dépouiller du vieil homme et de se revêtir du nouvel homme.

De nos jours le nouvel homme c’est l’environnement. Rien ne doit être fait sans tenir compte de l’environnement ; rien ne doit être entrepris sans tenir compte de la nature. Et cela, d’imminents acteurs en développement l’ont proposé depuis des années comme solution au problème de développement et comme ingrédient au développement durable.

Seulement avec le temps on finira bien vite par se rendre compte qu’il était difficile de changer de comportements sans agir sur la culture, un trait intrinsèque à l’homme dans son existence. On intégrera celle-ci dans les composantes du développement durable en parlant habilement de développement culturel durable. Désormais, au lieu d’avoir un socle à piliers en forme triangulaire (économie, social et environnement), on en aura un quadripède (économie, social, environnement et culture).

Un grand bouleversement venait donc d’être opéré. Il fallait repenser la culture et à travers elle, ses composantes. La course aux initiatives dites innovantes venait donc d’être lancée.

Les acteurs culturels se sont très tôt mis à l’œuvre. Il s’agit de réorienter les actions de la culture à la lumière des principes du développement durable. Des propositions fusent.

Alors que d’aucuns créaient de nouveau projets, d’autres reformaient les leurs pour les réadapter aux nouvelles réalités ou du moins aux nouvelles exigences.

C’est le cas par exemple de l’Association AMI - Centre de Développement pour les Musiques Actuelles qui expérimente depuis deux ans un éco-festival dénommé « Festival MIMI ».

En réalité ce festival est à sa 25ème édition cette année (2010). Mais depuis sa 24ème édition (2009), les organisateurs ont bien voulu introduire une touche écologique. Ce qui est tout à fait normal pour être à la mode.

Pour cette 25ème édition, une touche nouvelle, le parcours installation visuelle et sonore qui viendra s’ajouter à au concert classique du festival.

Les instructions ont été formelles. Tout doit être pensé en respect à l’environnement. D’ailleurs il ne pouvait en être autrement puisqu’il fallait être en conformité avec le cahier des charges de l’institution AGIR (Action Globale Innovante pour la Région) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Bien sûr, car à l’instar de bon nombres d’opérateurs culturels, le festival MIMI pour bénéficier cette année de financements, devrait remplir les critères de sélections exigés par AGIR. L’appel à projets pour l’amélioration des performances environnementales des sites et équipements culturels qui a été lancé se voulait très sélectif : beaucoup d’appelés mais peu d’élus… Dieu merci, le festival MIMI se trouvait parmi les heureux élus. Et pour cause, la première édition écolo., la 24ème édition, a été une parfaite réussite ce qui plaçait du coup l’Association AMI parmi les pionniers de cette pratique qu’est l’éco-culture.

En plus, l’un des facteurs de ce choix du festival MIMI pour l’expérimentation de l’éco-culture est sans doute le symbole de lieu ou cadre physique de ce festival : l’Ile du Frioul, joyau de la ville de Marseille.

En effet, le Frioul est désormais un quartier de Marseille, administrativement rattaché aux 1° et 7° arrondissements, c'est-à-dire au 3° secteur, Marseille relevant de la loi PLM de 1982 (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Archipel_du_Frioul). Un beau site touristique.     

Tout compte fait, le festival MIMI et l’île du Frioul forment une belle opportunité. Tous les acteurs qui s’y impliquent sont presque sûr de s’en sortir gagnants.

C’est pourquoi cette année, tout est mis en œuvre pour que le festival présente son plus beau trait écologique : éco-bar (toutes les boissons sont made in Marseille), éco-stands (les stands présents sont des stands locaux avec du matériel local, les fournitures utilisées sont facilement recyclables ou réutilisables, les repas proposés sont bio. Tout compte fait il faut consommer local, nature et sans gène. Le nouveau venu, le parcours installation visuel et sonore est quant à lui plus ficelé : moins de bruits et pas de luminosité qui puissent gêner la tranquillité des bestioles de l’île. Les fréquentations du public doivent être gérées sur mesure afin de ne pas abîmer la flore. Il faut donc trouver un équilibre statique du ni plus ni moins. Tel est le défi des organisateurs du festival MIMI cette année.

L’éco-culture est-ce vraiment une nouveauté ?

Cette question mérite ici d’être analysée. Est-ce nouveau, cette manière de faire la culture en respectant la nature et ses composantes ?

En tout cas une chose est sûre si en Europe, cela peut paraître nouveau, en Afrique c’est un mode courant. En Afrique, la nature est au cœur de toutes manifestations culturelles et les préceptes sont unanimement admis. On ne peut y organiser un quelconque festival sans consulter et obtenir les autorisations nécessaires des gardiens de la nature. On pourrait se demander le rôle que joueraient ces gardiens de la nature en Afrique.

C’est tout aussi vrai que la mission des agences et autres organismes de protection de l’environnement est d’assurer la promotion et la protection de l’environnement.

Mais alors que ce concept d’éco-culture n’est qu’à sa phase d’expérimentation en Europe, ne soyons pas surpris qu’un jour on nous la propose comme modèle culturel. En réalité c’est ici que l’Afrique doit se montrer perspicace en se rendant compte qu’elle vit déjà ce que les pays dits développés pensent être leur futur.

Osons-le car il ne peut en être autrement, l’Afrique est le berceau de l’humanité, il est le début et la fin du monde… Il est la porte de sortie des pays dits développés. Il est le chemin qui mène au développement durable.     

 

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W
<br /> <br /> Salut Luc!<br /> <br /> <br /> Article à la fois riche et pertinent. Je crois aussi que tu as raison d'affirmer que l'Afrique vit déjà ce que l'Europe considère comme le futur. Je pense que l'écolocentrisme est très poussé<br /> comme l'est aussi la phobie du désastre écologique en Europe. Ce qui explique le foisonnement de concepts nouveaux et de modèles à expérimenter. Par conséquent l'éco-culture me paraît être une<br /> démarche folklorique qui doit encore préciser ses objectifs. N'est-il pas un concept qui ouvre la voie uniquement à des cérémonies institutionnelles ( festival, et autres célébrations des ONG,<br /> Association culturelle ou écologiques)?<br /> <br /> <br /> Par contre, entre l'écologie et la culture le lien est séculaire et quasi naturelle en Afrique. L'harmonie entre la nature et l'homme est presque religieuse sous les tropiques. C'est à dire<br /> l'homme voue un respect total à l'environnement et ne l'exploite qu'à la limite de la satisfaction de ses besoins. <br /> <br /> <br /> La principale ménace de cet équilibre écolo-culturel est la transformation des modes de production locale.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Bonjour Wahabou,<br /> <br /> <br /> Voilà que nous sommes sur le même raisonnement. Ce qui est intéressant ici c'est que l'Afrique elle-même prenne conscience qu'elle est déjà en avance dans ce domlaine et qu'elle se fasse un<br /> modèle au lieu d'attendre qu'on lui en propose un soit disant nouveau qui n'est que la copie collée du sien. A suivre...<br /> <br /> <br /> <br />